Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a entamé ce mercredi une visite de huit jours en France, consacrée aux grands dossiers géopolitiques du moment, de la guerre en Ukraine au nucléaire iranien en passant par l'impasse politique au Liban et le pacte financier mondial entre pays riches et pauvres qu'organisera l'Elysée la semaine prochaine.
Le numéro un de facto de l'Arabie saoudite, en raison de la santé déclinante du roi Salmane, doit avoir un déjeuner de travail vendredi avec le président Macron. Il y sera «question de la coopération bilatérale et des grands enjeux de stabilité régionale», en sus de «la guerre en Ukraine et de ses conséquences pour le reste du monde», précise l'Elysée.
L'Elysée escompte que Riyad fasse pression sur Poutine
Emmanuel Macron veut convaincre les pays non alignés, auprès de qui Riyad pèse particulièrement, de faire pression sur Moscou pour retirer ses troupes d'Ukraine . Diverses médiations internationales ont été proposées, sans succès jusqu'ici, à l'instar de celle, en février dernier, du président brésilien.
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Plusieurs présidents africains (Afrique du Sud, Sénégal, Ouganda, Zambie, Egypte, Comores et Congo) doivent se rendre à Kiev et à Moscou vendredi et samedi. Les pays africains importateurs de céréales sont déstabilisés par la flambée des prix du blé, du tournesol et du maïs provoquée par la fermeture épisodique de la Mer noire. L'Arabie saoudite, pour sa part, a abandonné sa position traditionnelle de neutralité pour voter, comme près de 140 autres pays sur 193, les trois résolutions de l'ONU condamnant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Pour autant, comme la quasi-totalité des pays non-occidentaux, elle n'a pris aucune sanction économique contre Moscou.
Le dossier iranien sur la table
Les entretiens porteront aussi sur la situation du Proche-Orient, où s'opère la réconciliation à pas comptés entre l'Arabie saoudite et l'Iran, deux poids lourds de la région qui avaient rompu leurs relations diplomatiques en2018. Réconciliation sur fond de bras de fer entre les pays occidentaux et Téhéran à propos du programme nucléaire iranien.
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La situation au Liban , ancienne colonie française désormais sous forte influence de Riyad, doit être aussi évoquée.
La déliquescence du Liban
Le Liban est dévasté par une crise financière illustrée par la division par dix de sa devise en un an, une inflation de près de 400%, des pénuries et des services publics désastreux.
Surtout, le Liban est paralysé politiquement en raison des dissensions religieuses héritées de la guerre civile (1975-1990). Le Parlement libanais a ainsi échoué, ce mercredi, pour la douzième fois, à élire un président en raison d'un bras de fer entre la coalition menée par la puissante milice chiite du Hezbollah pro-iranien et ses adversaires. En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence de l'Etat est réservée à un chrétien maronite, celle du Parlement à un musulman chiite et celle du gouvernement à un sunnite.
Un pacte financier mondial cher à l'Elysée
Le président français et le numéro un saoudien discuteront du sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui se tiendra la semaine prochaine à Paris. L'évènement vise à «faire converger les financements privés et publics là où la planète et les peuples en ont le plus besoin, que ce soit pour lutter contre la pauvreté, conduire la nécessaire transition climatique ou protéger la biodiversité», explique-t-on côté français. MBS doit aussi assister à une cérémonie prévue le 19juin dans la capitale française pour officialiser la candidature de l'Arabie saoudite à l'accueil de l'exposition universelle de2030. Rome, Busan, en Corée du sud, et Odessa sont aussi candidates.
MBS et Emmanuel Macron doivent, enfin, évoquer la coopération bilatérale. L'Arabie saoudite est le principal importateur d'armes de la planète, principalement auprès des Etats-Unis, mais aussi de la France. Ce qui permet à cette dernière d'être le quatrième fournisseur du pays tous produits confondus. Riyad a aussi signé de nombreux contrats de chantiers et construction d'infrastructures avec de grandes entreprises françaises. A l'inverse, Paris n'est que le dixième client de Riyad.
L'Arabie saoudite s'éloigne des Occidentaux
Emmanuel Macron a été le premier leader occidental important à recevoir MBS, en juillet dernier. Le numéro un saoudien a longtemps été «persona non grata» en raison de son implication dans l'assassinat en2018 du journaliste d'opposition Jamal Khashoggi. Depuis lors, la réhabilitation au nom du réalisme géopolitique d'un acteur régional aussi important, par ailleurs numéro un mondial de l'or noir, a conduit le président américain Joe Biden à se rendre à Riyad. Les relations demeurent toutefois glaciales entre MBS et la Maison Blanche , en raison de la manière dont Riyad contribue à la hausse du prix du pétrole et de son rapprochement avec la Chine et l'Iran.
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L'Arabie saoudite frappe, comme l'Iran, l'Indonésie et l'Egypte, à la porte des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui se posent de plus en plus comme un bloc rival de l'Occident en dépit de leurs divergences internes, notamment entre la Chine et l'Inde. Ils représentent 42% de la population de la planète et environ 20% du PIB mondial.